Smartketing

L’impact de la digitalisation musicale sur les pratiques

L’évolution des pratiques des consommateurs de musique

Cet article rend compte de l’évolution des pratiques d’écoute de la musique et du rapport de l’individu à l’artiste. L’interrogation porte plus particulièrement sur l’évolution des comportements des personnes passionnées par un artiste ou un groupe, celles qui leur portent une admiration incontournable. En quoi le profil du « fan » de 2022 se différencie du « fan » des années 80 ?

Cette réflexion a été menée par Clément Barbosa, dans le cadre de son mémoire de Master Grande Ecole en spécialité marketing & brand management chez Excélia à La Rochelle. Smartketing a accompagné cette recherche pendant 6 mois.

L’accès à la musique dématérialisée a déjà plus de 20 ans !

En 2017, les revenus liés à la vente de musiques numériques dépassent pour la première fois les revenus liés aux ventes physiques. Cette tendance ne s’est jamais inversée, et conserve un taux de croissance de 30% par an.

Cela fait maintenant une vingtaine d’années que la musique dématérialisée a fait son entrée (début des années 2000) avec l’apparition des lecteurs portables de musique téléchargée : les baladeurs MP3. Ces nouvelles technologies ont apporté une nouvelle dimension et une nouvelle perception de la musique. Elles ont chamboulé l’industrie musicale telle que la connaissaient les générations précédentes, basés sur un business model d’achat physique (Cassettes, CD, vinyles…).

Cette première révolution d’écoute de la musique dite « nomade », apporta un vent nouveau sur les ventes physiques, boostés par la nouvelle utilité qu’apportent les « baladeurs » à la musique, faisant de l’ombre à la radio, premier moyen d’écoute de la musique depuis les années 40.

Avec l’émergence d’internet, l’apparition des sites de téléchargements illégaux changera la donne : l’industrie musicale connaîtra sa plus grande révolution avec l’arrivée de Napster en 1999, principal site de téléchargement illégal de musique, aujourd’hui reconvertie comme plateforme de streaming payante. Ces sites de piratage pouvaient réunir jusqu’à 26 millions d’utilisateurs par an, soit 26 millions de ventes potentielles en moins pour les maisons de disques.

La gratuité de l’écoute de la musique était alors devenue une normalité dans le conscient des nouveaux consommateurs. En conséquence, seuls les vrais « fans » participaient alors à la rémunération des artistes par l’achat de CD, qui était pour eux comme un objet de collection. Toutefois, les concerts n’ont pas désempli puisque le téléchargement illégal a participé dans une certaine mesure à la promotion tant de l’artiste que de l’album.

Aujourd’hui, la musique numérique se consomme sur plus de 380 services de diffusion comme Spotify, Apple Music, ou la plateforme de streaming français Deezer. Avec la disponibilité de plus de 40 millions de titres. La musique est aujourd’hui accessible à tout moment via un ordinateur ou un smartphone, d’un simple clic.

Quel impact sur notre rapport aux artistes ?

Avant la musique dématérialisée, la relation entre les artistes et leurs fans était extrêmement forte. Les maisons de disques savaient qu’elles pouvaient toujours compter sur une forte communauté lors de l’arrivée des nouveaux albums de leurs idoles. Une communauté qui se retrouvera également lors des tournées nationales ou mondiales.

Cette ère de l’industrie musicale a permis de souder de fortes relations entre fans et artistes qui à su perdurer dans le temps. À l’image des grandes communautés de fans comme celle de Mylène Farmer, qui est toujours au rendez-vous des années après « l’âge d’or » de la chanteuse : Encore aujourd’hui, Mylène Farmer, c’est 27 000 fans réunit 9 jours de suite dans la plus grande salle d’Europe, La Défense Arena.

Aujourd’hui, dans cette guerre entre plateformes de streaming qui cherchent à proposer le meilleur catalogue, les meilleurs contenus, et où les réseaux sociaux et les relations à distance sont plus que jamais au cœur de notre actualité : comment a évolué la relation entre fan et artiste ?

En 2022, la musique fait partie intégrante de la vie de chacun et se retrouve dans plusieurs moments du quotidien: dans les magasins, les supermarchés, les centres commerciaux, dans nos écouteurs, nos voitures, nos sonneries de téléphone… Elle nous entoure et nous accompagne au quotidien.

Les évolutions entre les "fans" des années 80 et les "fans" de 2022

Un « fan » est un auditeur qui au fil des écoutes développe un intérêt passionnel pour l’artiste et sa musique. Les fans constituent un véritable vecteur de communication et de popularité pour les artistes, tout simplement, car ils sont fiers de l’idole qu’ils défendent et s’y identifient souvent.

Avant les années 2000 et l’apparition de la musique dématérialisée, le seul moyen de pouvoir écouter un nouveau single était d’acheter le CD ou d’assister à un concert.

Les années 70 à 90 ont vu naître de grandes communautés de fans toujours présentes des années après le décès du chanteur. Une des grandes communautés fut celle de Mickaël Jackson, le Roi de la Pop. Les chiffres liés à son album « Thriller » montrent à eux seuls la démesure artistique qu’il représentait :

  • 7 semaines à la tête du classement musical américain (BillBoard Hot 100).
  • 80 semaines dans le top 10 de ce dernier.
  • 27 fois disque de platine (soit 27 millions d’exemplaires vendus) aux USA.
  • Album qui réalise les meilleures ventes deux années consécutives.

Mickael Jackson fut le premier à transformer une musique en court-métrage, avec son single « Thriller » aux allures de films d’horreurs. Avec ce « clip », l’artiste permis aux auditeurs d’explorer son univers à travers l’image et plus uniquement via l’audition.

Avec l’apparition de la musique dématérialisée, les nouveaux acteurs comme Deezer, Spotify, Apple Music, Tidal, apportent des méthodes de consommation différentes : elles offrent la possibilité aux auditeurs d’accéder à des centaines de millions de morceaux, de pouvoir les télécharger directement dans leur bibliothèque pour les écouter n’importe où, d’accéder à des contenus exclusifs de leurs artistes préférés et surtout d’avoir accès aux œuvres musicales dès leurs sorties.

Cette digitalisation a également fait évoluer les moyens de promotions des artistes et de leurs musiques, notamment grâce à l’émergence des réseaux sociaux, qui est aujourd’hui un moyen de communication inévitable dans n’importe quelle industrie. Dans un milieu médiatique et social, les réseaux sociaux sont désormais une priorité pour tout artiste musical.

Pour faire face à une concurrence de plus en plus dense et tenter de se différencier, l’artiste des années 2010-2020 doits adopter une stratégie et un discours médiatique adapté à sa cible, pour véhiculer une image, un univers auquel son auditoire pourrait être sensible. Différencier sa marque des autres, adopter une identité cohérente, collecter et analyser les données pour proposer du contenu beaucoup plus adapté et qualitatif… L’artiste 4.0 fonctionne aujourd’hui comme une entreprise.

D’un côté, la digitalisation de la communication a permis aux artistes un accès plus simplifié à la visibilité et à la popularité et également d’être repéré plus facilement par les maisons de disques, de l’autre, la concurrence entre les artistes est quant à elle démultipliée. Les artistes doivent proposer des projets artistiques différenciant pour retrouver leurs « fans ».

Les « fans » 4.0 sont des internautes dont il est possible de mesurer la « fanitude » en fonction de leurs pratiques numériques :

  • True Fan : ou VRAI FAN

Ce sont ceux qu’on peut considérer comme les super fans de l’artiste. Ils seront toujours au rendez-vous des nouveaux projets musicaux, ils achèteront n’importe quels produits provenant du merchandising de l’album. Ils sont très actifs vis-à-vis de l’artiste idolâtré.

  • Regular Fan : FAN REGULIER

Ils n’ont pas le même niveau de passion et d’admiration pour l’artiste que les vrais fans. Les artistes ne sont plus des « idoles » mais des « favoris ». Le regular fan participe à la communication du projet artistique par son interaction, car il suit l’artiste sur ses réseaux sociaux.

  • Casual Fan : FAN OCCASIONNEL

Ils apprécient certains morceaux, apprécient l’univers et reconnaissent le talent de l’artiste mais ne suivent pas les nouveaux projets. Ils ne sont pas acteurs dans la relation.

L’apparition des « Fanbase »

Les « Fandoms » ou « Fanbase » en français sont des communautés de fans qui se réunissent autour de sujets et de discussions sur les réseaux sociaux, ou bien sur des « Fanpages » (pages de fan en français). Les Fandoms sont créé soit par des fans eux-mêmes, soit par l’équipe d’un artiste, pour permettre aux fans d’avoir du contenu et d’échanger uniquement sur leur domaine de passion.

Aujourd’hui, plusieurs Fanbase se dégagent fortement dans l’industrie musicale et savent faire parler d’elles, et par conséquent de leurs idoles : Les littles Monsters (petits monstres en français) : c’est comme ça que ce prénomme la communauté de fan de Lady Gaga, artiste américaine aux multiples certifications connue pour son style et son extravagance inimitable. Ce surnom leur a été directement donné par leur idole, qui aime elle-même se faire appeler « Monster Mother » en référence à sa communauté. Lady Gaga a, en quelques sortes, été la précurseur de la création de communauté de fan, permettant à ceux-là de vivre et de partager ensemble leur passion pour la chanteuse. Si cette Fanbase a pu se créer, c’est avant tout grâce à la communication de Lady Gaga, très axée sur la cause LGBT+ et l’acceptation de soit même (notamment avec son album Born This Way).

Les Beliebers (fan de Justin Bieber), les Navy (fans de Rihanna), les Bey Hive (fans de Beyoncé), la BTS Army (Fans du groupe cohérent BTS) sont aujourd’hui des communautés de fans très actives sur les réseaux sociaux, qui n’hésitent pas à défendre leur idole face aux critiques, et à faire un maximum de publicité pour l’artiste. Mais on retrouve aussi aujourd’hui des Fanpages de groupes plus mythiques comme ACDC / Carlos Santana / Simpleminds…

Le "fan" 2022 a finalement une plus grande diversité d’artiste à suivre et de moyen pour le faire

En conclusion, le fan existe toujours en 2022, son engagement vis-à-vis de l’artiste est aujourd’hui plus facilement mesurable ! Le digital et la musique numérique ont permis à chacun et chacune d’explorer plus profondément les différents domaines de la musique et les nombreux styles qui la composent, soit par curiosité personnelle, soit par l’influence des algorithmes des plateformes de streaming.

Et heureusement, les concerts live perdurent et les festivals se développent pour conserver un rapport physique avec les artistes….

Merci à Clément BARBOSA pour cette recherche sur le sujet. Cécile GROSSET