Smartketing

Le paradoxe de l’œuf et de la poule appliqué au marketing

Omnicanal

Le consommateur a-t-il pris le pouvoir sur les enseignes ?

De l'importance de l'expérience client

Dans le cadre de son mémoire de Master Grande Ecole en spécialité marketing chez Excélia à La Rochelle, Hanaé de Labrousse-Pinault s’est interrogée sur la place de l’omnicanalité dans la relation client.

L’omnicalité dans le parcours client est-il devenu une nécessité pour les multinationales ? En quoi les clients y sont-ils sensibles ? Est-ce le client hyper connecté qui s’adapte aux offres ou les offres qui rendent le client hyper connecté ? Smartketing a accompagé cette recherche pendant 6 mois.

Un premier constat : en 2021, la satisfaction client est le premier critère (48%), donné par les entreprises, à prendre en compte dans la conception d’un parcours client. Le client est désormais au cœur de la stratégie des entreprises : « custumer centric ». Plus qu’un simple acteur, le consommateur a désormais entre ses mains la réussite des enseignes. Les entreprises ne cessent de travailler leur notoriété, leur image de marque et tentent de satisfaire par tous les moyens les attentes et les besoins des consommateurs. Depuis l’apparition d’internet, le client traditionnel est devenu « omni-client », c’est-à-dire un consommateur qui utilise différents canaux et plateformes pour acheter ses produits. Pour suivre la tendance, les enseignes et plus particulièrement les multinationales ont dû s’adapter à ce nouveau mode de consommation et l’évolution du parcours consommateur. Pour ce faire, elles sont passées de la vente physique seule (mono-canal), à l’omnicanalité : c’est-à-dire l’utilisation de tous points de contact comme parcours expérientiel client. En effet, le parcours client, qui définit toutes les étapes par lesquelles passent un consommateur dans sa relation avec une marque/un produit/une entreprise, a évolué et s’est digitalisé, en suivant les avancées technologiques majeures.

L’arrivée des nouvelles technologies a mené à une digitalisation du parcours client

Le parcours client a évolué au fur et à mesure des avancées technologiques, changeant la façon de consommer et donc le commerce. Du monocanal à l’omnicanal, les stratégies se sont adaptées, intégrant les caractéristiques d’un consommateur hyper-connecté.

Avec l’arrivée des hypermarchés dans les années 1960 tout droit venue des Etats-Unis, les consommateurs ont plus de choix, le concept est un succès pour la grande distribution alimentaire qui se lance dans les “hyper-marchés”, qui deviennent ensuite des centres commerciaux, entourés de boutiques. Le client souhaite plus d’offres, et tout à sa portée. Les enseignes font des offres spéciales, des promotions, on assiste à la guerre des prix.

Dans les années 1990, le prix n’est plus suffisant pour les consommateurs et les enseignes doivent trouver un moyen de se différencier. La stratégie des distributeurs devient marketing, le but est d’attirer les consommateurs d’une autre manière.

C’est l’arrivée de la guerre des marques : publicité, relation client, merchandising ; de nouveaux concepts apparaissent et deviennent une arme redoutable pour attirer et fidéliser les clients, qui n’ont pas peur d’aller chez la concurrence lorsque l’offre se dit meilleure.

Parallèlement, d’autres business model se forment : la vente par correspondance : La Redoute, les 3 Suisses ou encore la vente à domicile : Moulinex, Tupperware etc. Plus tard, on assistera à l’arrivée des Pure Players tels qu’Amazon ou Cdiscount avec une vente en ligne exclusive. Avec l’essor de ces nouveaux modèles de vente, le consommateur se retrouve face à de multiples possibilités. Avec l’arrivée d’internet, son parcours va être modifié, insistant les enseignes à faire de même.

Vers un nouveau business model et un nouveau mode de relation client

Si Jeff Bezoz et son entreprise Amazon deviennent le symbole du succès du e-commerce, les distributeurs et magasins physiques ne tardent pas à suivre le pas. Bien que risqué car encore inconnu, les premières enseignes se lancent sur le web afin de conquérir de nouvelles parts de marchés et suivre l’opportunité du multicanal.

L’arrivée du web : la multiplication des points de contact, des ressources optimisées ou encore des relations plus étroites entre les pays grâce à une collaboration plus étroite et plus rapide, à travers les frontières. Une innovation qui s’inscrit dans la mondialisation et la multiplication des flux de biens et services, mais aussi des flux humains, financiers et des capitaux. Au fur et à mesure des avancées technologiques, le parcours client se digitalise. Le magasin doit être adapté et doit être perçu comme le prolongement d’une expérience entamée sur Internet. Pour se faire, le magasin intelligeant, qui mélange physique et virtuel, éloignement et proximité, semble être la solution.

Les 3 étapes clés du parcours client

Le parcours client original suit un schéma à étapes, du besoin/envie du consommateur, en amont de l’achat, jusqu’à la recommandation du produit, en aval. Son parcours est séparé en trois temps : la décision, l’achat et l’usage.

Un parcours client digitalisé apporte plus de détails aux différentes étapes. En ce qui concerne la recherche d’information, elle se fait sur internet, où l’on peut trouver des milliers d’avis de consommateurs. Il est possible de se renseigner sur le produit, sa composition, sa fabrication, la marque, le gérant etc. La recherche d’information étant une étape clé, les enseignes travaillent énormément leur image de marque ainsi que leur notoriété. Pour le choix du produit, les points de vente offrent la possibilité de tester, d’essayer. Les applications et concepts de réalité virtuelle permettent également au consommateur de tester les produits à domicile ou sur soi.

La sélection et l’achat du produit peut se faire sur différents canaux : internet, en point de vente, combiné (click and collect). Pour cela, les magasins hyper connectés ont recours à la commande en magasin (tablette, portable etc.) afin de garder la vente et de drainer du trafic en magasin (pour du click and collect). Les points de vente doivent également adapter leur moyen de paiement avec le sans contact, Apple Pay, Ali Pay ou encore Paypal afin de donner au consommateur les mêmes possibilités que sur le web.

Avec l’apparition du digital, ce parcours est donc modifié. On ne parle plus d’achat mais d’expérience client.

Des 4 P du marketing traditionnel au 4 P du digital en passant par les 4 E de l’émotion !

Désormais, les marketers et les services clients ne se focalisent plus que sur les traditionnels 4P (Prix, produit, place et promotion) mais s’intéressent aux 4 E, centré sur l’expérience client son engagement, l’échange entre lui et la marque client (Expérience, Engagement, Echange, Everywhere)

Les 4 P de la transformation digitale :

Partenariat : aux alliances entre les différents acteurs du commerce : retailers, e-commerce, pure-players, l’objectif est de créer une synergie entre les spécialités de chacun, afin de couvrir toutes les étapes du parcours client et de proposer l’offre la plus pointilleuse possible.

Phygital : maitrise de tous les canaux par le consommateur et ses enseignes doivent analyser chaque parcours sur chaque canal, ce qui complexifie les choses.

Personnalisation : marque l’importance de l’expérience client et ainsi de la compréhension des nouveaux besoins clients, car le digital ne veut pas dire standardisation.

Protection des données : renvoie à toutes ces règles ayant émergées pour encadrer le commerce digital (RGPD). Si les opportunités pour les entreprises se multiplient grâce à l’arrivée du web, grâce à l’obtention de données en tout genre (âge, sexe, zone géographique, préférences, centres d’intérêts etc.), cette collecte est aussi réglementée. De ce fait, omnicanal rime avec légal.

Du cross canal à l’omnicanal : une réponse au besoin de différenciation

Internet a accéléré l’apparition de nouvelles technologies qui représentent de nouveaux points de contact et qui sont désormais connectées : la réalité virtuelle, la 3D, les objets divers connectés qui ont permis aux consommateurs de tester les produits en magasin mais aussi en ligne. Avec le développement du click and collect, la grande distribution voit son business plan se modifier, les clients ne vont plus en magasins faire leurs courses, ils commandent en ligne et viennent chercher leur commande, comme ils le feraient pour n’importe quel produit en ligne.

Grâce à la multiplication de ces points de contact online et offline, les multinationales de tous secteurs sont en relation avec leurs clients à tout moment. Néanmoins, face à l’abondance de l’offre et le manque de différenciation des enseignes, le consommateur montre un besoin de personnalisation et d’expérience. Par conséquent, le modèle crosscanal ne suffit plus. La standardisation n’est plus adaptée aux environnements changeants, la coordination des activités est complexe et le risque de cannibalisation demeure.

La stratégie des entreprises se focalise alors sur le consommateur, qui est au centre de tout. L’omnicanal devient la stratégie d’utilisation active de tous ces points de contact pour être en relation avec les consommateurs. En effet, les multinationales utilisent les notifications push, les emails, les magazines, les réseaux sociaux, les mails, les salons, les vendeurs etc  pour entrer en contact avec leurs clients/prospects.

Néanmoins, ils mettent en avant les inconvénients liés à toutes ces innovations. La quête de l’expérience consommateur mène à un processus d’intégration des canaux qui est lent et onéreux. De surcroît, pour certains produits très particuliers, comme les produits sensoriels dont les parfums, l’expérience olfactive du magasin ne peut être reproduite en ligne. Certains sens comme le toucher, l’odorat et le goût ne s’adaptent pas à tous les canaux.

Parcours client 3.0

De nouveaux besoins

Le comportement du consommateur a évolué au fil du temps. Il est intolérant à la frustration et à l’attente, prend en compte les conseils et a une préférence pour les expériences différenciées et originales.

Avec internet comme référence, le consommateur souhaite de la rapidité et de la réactivité en point de vente, sous menace de commander en ligne. La frustration et l’impatience des consommateurs peuvent provenir de plusieurs éléments. Avec l’arrivée d’internet, il est possible de commander n’importe quoi, n’importe où, en quelques clics et même de voir les stocks des articles en temps-réel. Sur certains sites, il est possible d’être alerté lorsqu’un produit est de nouveau en stock. De ce fait, les files d’attente en magasins sont de moins en moins tolérées, tout comme la recherche des produits dans les rayons.

Une autre caractéristique de l’évolution du parcours consommateur est le besoin de personnalisation. Le consommateur favorise les enseignes qui lui font vivre une véritable expérience, des interactions avec la marque en prenant en compte tous les aspects de l’offre, que ce soit le produit, le service, l’atmosphère, le marketing etc

Chaque point de contact est une opportunité. De ce fait, on retrouve des corners dans les aéroports, des services de livraison à domicile (UberEats, Deliveroo ..), des abonnements mensuels en ligne (box beautés), des banques en ligne ou encore des boutiques éphémères d’enseignes dites “pure players”. Chaque point de contact répond au standard du marché, qui est changeant. Encore plus pour une multinationale, dont l’objectif est de conquérir plusieurs marchés. Chaque pays ayant sa culture et ses habitudes différentes, une étude de marché poussée doit être réalisée afin de faire ressortir les besoins et attentes des consommateurs dans chaque marché, afin de trouver des opportunités…

L'obligation de SI performants

Les multinationales ont besoin de ces changements non seulement pour satisfaire leur marché local/national, mais également afin de s’internationaliser, notamment dans des pays ou l’omnicanal y est en plus développé, comme en Chine ou au Japon. Ces changements mènent à la gestion de la relation client et des données, dans un contexte numérique. Les systèmes d’information et autres CRM permettent aux entreprises de gérer ces flux de données clients, afin de centraliser les informations et de proposer une offre segmentée et personnalisée en fonction de la cible. Si elles cherchent à satisfaire au mieux le client, les entreprises font face à une concurrence de plus en rude, avec la naissance de nouveaux business model : celui du pure player. Une stratégie qui réussit aux pionniers tels Amazon, Netflix ou encore Cdiscount mais qui inquiètent leurs rivaux.

Néanmoins, face à Amazon, l’un des géants du web, qui s’est énormément diversifié ces dernières années et qui maitrise parfaitement l’omnicanal, des enseignes en retard sur le concept ont noté des pertes de chiffre d’affaires, de fréquentation, de clients et même des rachats, traduisant l’incompréhension des nouveaux besoins consommateurs.

Que disent les consommateurs ?

Les enseignements d'une étude de marché

Une enquête réalisée en ligne en direction de 200 personnes, met en évidence l’appétence des consommateurs pour l’omnicanalité. Les résultats diffèrent en fonction du secteur et du type de service proposé.

La stratégie omnicanale apparait comme nécessaire pour une multinationale, mais seulement dans certains secteurs, déjà très développé et fortement concurrentiels.

Le secteur alimentaire, fortement omnicanalisé par les distributeurs, a fait intégrer à ses consommateurs l’utilisation synergique de ses canaux tandis que le secteur bancaire, bien déjà fortement digitalisé sur de nombreux points, ne séduirait pas les clients en digitalisant la totalité de ses services.

On peut en conclure que la stratégie omnicanale est nécessaire pour les multinationales en 2022 car le parcours consommateur est en perpétuelle évolution et qu’il tend à devenir lui-même omnicanal. Avec le souhait des consommateurs d’avoir une réelle expérience client et le souhait des entreprises de se centrer sur les besoins consommateur (“customer centric”), les enseignes doivent suivre la tendance si elles veulent garder leurs clients, les fidéliser et se démarquer de la concurrence. Les entreprises avec une stratégie omnicanale ont tendance à plus séduire les consommateurs, en leur apportant une expérience personnalisée et en répondant à leurs besoins de rapidité et de praticité. Le marketing expérientiel a besoin de l’omnicanal pour fonctionner.

Les résultats de cette enquête signifient que les multinationales doivent se focaliser sur les attentes de leurs consommateurs, tout en déployant des services répondant à leurs besoins. Bien que centrée sur les multinationales, cette étude indique aussi que les plus petites entreprises devraient au moins en être à un stade cross-canal, avoir déjà un site internet et proposer des services de click and collect. Les petites boutiques indépendantes, bien que focalisées sur la relation client, la proximité et la fidélité de leur clientèle, devraient se méfier de la stratégie omnicanale très développée des multinationales. Car si les anciennes générations sont encore attachées à leur commerce de proximité et moins “habituées” au digital, les prochaines générations seront nées avec ces services. Les multinationales devraient se pencher, en plus de la satisfaction client, sur les axes d’amélioration et les “nouveautés omnicanales” que les clients souhaitent dans leurs boutiques

Merci à Hanaé de Labrousse-Pinault – Chargé de projets marketing pour cette recherche sur le sujet. Cécile GROSSET